Tous les ans, le LabEx CEBA finance plusieurs projets de recherches innovants. A l’occasion de son renouvellement, le LabEx souhaite s’inscrire encore un peu plus dans le paysage Guyanais. C’est dans cette perspective qu’a été lancé en début d’année l’appel interface science-société. Les projets sélectionnés visent à soutenir les initiatives situées à l’interface entre la recherche académique et la société en Guyane en lien avec les priorités thématiques du CEBA.
Découvrez les résumés des sept projets annuels 2020 qui seront lancés dans l’année.
Les Projets Annuels 2020
ANOMALO : Analyses préliminaires à l’élaboration d’un Plan National d’Action pour les Anomaloglossus du groupe degranvillei
L’espèce Anomalogossus degranvillei, décrite en 1975 par Jean Lescure en Guyane Française, a été évaluée en 2017 comme étant en danger d’extinction (EN) sur les listes rouges régionales de l’UICN (Union Internationale pour la Protection de la Nature) en raison du faible nombre de populations et de son aire de distribution circonscrite à la Guyane. Quelque mois plus tard, un article a mis en évidence le fait que plusieurs espèces étaient regroupées sous ce nom et a formalisé la description de deux nouvelles espèces : A. blanciet A. dewynteri. Cette nouvelle délimitation implique une situation encore plus critique concernant laconservation d’A. degranvilleiet A. dewynteri dont le statut devient CR (en danger critique d’extinction). Le Parc Amazonien de Guyane et la réserve naturelle Trésor cherchent depuis à mettre en place des actions de connaissances et de conservation sur ces espèces et en particulier à initier la mise en place un plan national d’action (PNA) pour leur préservation. Le projet vise à appuyer ces espaces naturels dans leur démarche en les aidant à compléter les connaissances actuelles sur ces espèces en lien avec leur conservation et en établissant un état des lieux des connaissances et des besoins en terme de conservation dans l’optique de l’élaboration d’un PNA en construisant ensemble des outils de communication et d’éducation à l’environnement sur ces espèces.
DARKSOUND : les sons des oiseaux de la pénombre tropicale : l’écoacoustique comme aide au diagnostic patrimonial et écologique
Les forêts amazoniennes dites intactes sont en fait menacées par de nombreuses pressions anthropiques non visibles par l’imagerie satellitaire à l’instar de la surchasse ou du mitage “sous couvert”. La connaissance des effets de ces dégradations est indispensable pour une politique de conservation locale efficace. Or, ces effets ne peuvent être évalués qu’à partir de méthodes quantitatives de suivi de la biodiversité de terrain. Depuis quelques années, l’écoacoustique offre une alternative aux techniques traditionnelles grâce à un fort pouvoir d’échantillonnage spatial et temporel. L’écoacoustique permet, entre autres, de suivre automatiquement les espèces difficiles à contacter par des observateurs, comme les oiseaux crépusculaires et nocturnes. Via une étude pilote de suivi des oiseaux de la pénombre et de la nuit dans la réserve naturelle des Nouragues, ce projet permettra de valider la présence ou non des espèces cibles et d’estimer leur phénologie. Par ailleurs, le projet constituera un test pour la mise en place d’un réseau de capteurs sonores des espaces protégés de Guyane par une généralisation à d’autres taxons et à d’autres sites. Ceci permettra d’apprécier, plus généralement, la pertinence de l’écoacoustique dans le paysage des outils de suivi et de biovigilance pour la conservation des forêts tropicales. L’association d’expertise permettra de produire des résultats scientifiques utiles aux gestionnaires qui seront par ailleurs restitués aux communautés locales par une sensibilisation sonore, mettant ainsi en valeur une facette peu connue du patrimoine naturel de la forêt.
eBREVE : Education à la Biodiversité par la Réalité Virtuelle
Le projet eBREVE a pour ambition de développer un outil numérique permettant la vulgarisation et la diffusion de contenus scientifiques relatifs à la biodiversité de Guyane à destination du grand public, et en particulier des jeunes et des scolaires de Guyane et d’ailleurs. Les porteurs du projets constatent qu’il est plus difficile de communiquer sur une biodiversité qui n’est pas emblématique comme l’est par exemple la grande faune. L’utilisation de nouvelles technologies comme la réalité virtuelle ou l’impression 3D permet une immersion dans le monde de la micro-faune, en se détachant du problème d’échelle. Pour ce faire, eBREVE exploitera un prototype de scanner 3D par photogrammétrie disponible à l’UMR EcoFoG. Ce système va permettre de modéliser des spécimens d’arthropodes et de champignons de Guyane, qui seront animés et intégrés en modèles 3D dans un environnement de réalité virtuelle correspondant à 1m² de litière de forêt tropicale amazonienne. L’utilisateur pourra ainsi « visiter » une portion du sol guyanais à l’échelle d’un insecte, et découvrir la biodiversité qui s’y cache. Les modèles obtenus grâce au scanner 3D par photogrammétrie ont l’avantage de capturer les couleurs des spécimens, ce qui leur donne un aspect photo-réaliste limitant le manque de précision relatif à cette méthode. L’ensemble des outils techniques ou numériques développés dans le cadre de ce projet le seront dans un esprit «open source » afin qu’ils puissent être utilisés et adaptés librement par les scientifiques et le public. Les données générées, en particulier les modèles 3D et les photographies, seront également mis à disposition de tous par le développement d’une plateforme en ligne dédiée.
INDIC : Proposition de «trousse d’indicateurs écosystémiques» à destination des espaces naturels forestiers de Guyane
Les espaces naturels offrant une protection forte (comme les cœurs de parcs nationaux et les réserves naturelles), constituent un outil essentiel pour la protection des écosystèmes naturels. Leur statut permet de limiter au maximum les perturbations d’origine anthropique sur des territoires naturels remarquables et d’envisager ainsi leur préservation sur le long terme. Ceci inclut non seulement la préservation d’une biodiversité optimale dans ces écosystèmes mais également le maintien de leur fonctionnalité. L’ensemble des espaces protégés forestiers de Guyane Française partagent ainsi un objectif à long terme (OLT) commun qui est de maintenir, à l’échelle de leur territoire, l’intégrité du bloc forestier afin d’en garantir la fonctionnalité écologique. Un des défis majeurs pour les gestionnaires de ces espaces est de définir des indicateurs pertinents pour le suivi de l’état de conservation de leurs territoires et l’évaluation de l’efficacité de la gestion. Une avancée majeure dans ce domaine serait de disposer d’un ensemble de mesures intégratives qui complémenteraient les suivis existants, largement biaisé envers des suivis de la macro-faune (vertébrés) et de la flore, par l’estimation de facteurs liés à la fonctionnalité des écosystèmes suivis. Ces indices permettraient aux espaces naturels de pouvoir suivre au cours du temps l’évolution de la fonctionnalité de leurs espaces notamment dans un contexte de changement global et d’évaluer l’efficacité des pratiques de gestion par le suivi temporel de leurs effets et/ou la comparaison entre milieux préservés et milieux sans protection. Ce projet propose de concevoir, en collaboration avec les espaces protégés forestiers de Guyane, une «trousse d’indicateurs écosystémiques», faciles à renseigner et permettant un suivi de la fonctionnalité des écosystèmes dans le temps.
IQCN: identifier la faune aquatique et Quantifier l’abondance des espèces en danger dans les cours d’eau de Guyane : des enjeux forts pour la Conservation de la Nature
Les fleuves de Guyane font l’objet de menaces multiples qui ont motivé le développement d’une liste des espèces de poissons en danger par l’UICN, ainsi que des études sur la surexploitation d’espèces d’intérêt pour les populations locales. La conservation de ces espèces en danger et/ou exploitées se base actuellement sur des données de distribution, parfois très incomplètes et les informations relatives à l’abondance des espèces sont lacunaires. Ce projet propose de s’appuyer sur le développement récent des méthodes d’ADN environnemental (ADNe) qui permettent d’identifier la présence des espèces par collecte et analyse de l’ADN libre dans l’eau. Cette méthode permet d’optimiser les capacités de détection des espèces en danger en complétant les références moléculaires pour faire la correspondance entre séquences d’ADNe et espèces. L’ADN environnemental développe également une approche quantitative, permettant d’obtenir des informations sur l’abondance des espèces. Ce projet s’intéressera tout particulièrement à cinq espèces en danger ou d’intérêt pour l’homme en échantillonnant sur 35 sites différents. Ce projet nécessite une étroite collaboration entre les différents acteurs de la biodiversité en Guyane. Les chercheurs développeront des techniques de mesures innovantes, pour in fine obtenir des indicateurs de biodiversité utilisables par les gestionnaires de l’environnement. Ces résultats serviront également à sensibiliser les populations locales sur la durabilité de leurs pratiques de pêche et sur la sensibilité de la biodiversité aquatique aux perturbations humaines.
KALALOU : ou le rapport à la biodiversité végétale dans les cultures Afro-américaines de Guyane
Ce projet vise à mettre en exergue de façon artistique et visuelle, les travaux à l’interface entre cultures Afro-amazoniennes et biodiversité, sous forme d’une exposition photographique finale lors des rencontres photographiques de Guyane. Mêlant anthropologie, photographie et botanique, il est né suite à la thèse de M.A. Tareau, première thèse d’anthropologie et d’ethnobotanique soutenue à l’Université de Guyane, traitant des phytothérapies locales et de leurs hybridations. Les partenaires (le LEEISA et l’association la tête dans les images) se sont rencontrés sur le terrain lors d’un premier projet photographique mené par K. Joseph autour des textes du romancier Colin Niel, et ont décidé de restituer au grand public les aspects scientifiques de cette thèse par un ouvrage photographique et anthropologique sur les relations des cultures afro-guyanaises à la biodiversité. Il mettra l’accent sur le rapport particulier de ces populations à l’environnement et sur leur mise à profit de la biodiversité végétale à travers plusieurs focus, notamment la cueillette de plantes médicinales (en milieu urbain et en milieu rural), la prise de bains thérapeutiques au sein de ces différentes communautés, la vivacité des rituels médico-magiques (Vodou, Winti), ou encore l’agriculture, tant urbaine que rurale. Par ces approches, ce sont les phénomènes d’hybridation culturelles inhérents au contexte interculturel de la société guyanaise, les relations entre urbain et rural, mais également sauvage et domestique qui seront donc soulignés afin de mettre en exergue les caractères dynamiques de ces pratiques et l’étroite intrication entre ces cultures et le monde végétal. Enfin, ce travail s’inscrit dans l’objectif premier du protocole de Nagoya, avec pour ambition de sensibiliser autant à la protection de la biodiversité que des savoirs locaux qui y sont associés.
Ti Sciences M.A.G : le petit journal des sciencesmade in Amazonie et en Guyane en particulier, ou la biodiversité amazonienne expliquée aux 8-12 ans
Le LabEx CEBA est une communauté de chercheurs à l’écoute de la biodiversité amazonienne. D’une grande diversité dans ses disciplines, dans ses découvertes, dans ses méthodes de travail (terrain, modèle mathématique, analyse chimique, génétique…), elle ouvre un champ des possibles de découverte pour un public non initié très divers. Or, l’apprentissage de notions abordées dans les programmes scolaires des cycles 3 et 4 en Sciences et Technologie concerne le «Domaine du vivant, sa diversité et les fonctions qui le caractérisent» et «la Terre, les êtres vivants dans leur environnement» et doivent être abordées à l’aide de cas concrets qui «parlent» aux élèves. Ce projet propose un rendez-vous trimestriel sous format d’un journal de 8 pages A4 (format papier et numérique) aux jeunes guyanais de 8 à 12 ans. Le projet ti Sciences M.A.G. est la conception, la rédaction et la diffusion de cette gazette en s’appuyant sur des histoires concrètes, les connaissances et les outils en collaboration avec les chercheurs du LabEx CEBA.