ProNut (Reconsidering protective ant-plant mutualisms from a nutritional perspective) est un projet sélectionné lors de l’appel à projet annuel du CEBA 2014.
LabEx CEBA : Quel a été votre parcours ?
Jérôme Orivel : J’ai fait un DEA en biologie du comportement puis une thèse à l’Université Paris 13 sous la direction d’Alain Dejean* où j’ai eu l’opportunité de commencer à travailler sur le modèle des fourmis et plus particulièrement des interactions entre des plantes et des fourmis. J’ai ensuite fait un post-doctorat dans le laboratoire d’écologie chimique de l’Université de Tel-Aviv centré sur le venin des fourmis d’Afrique. A la suite de cela, j’ai passé le concours d’entrée au CNRS et j’ai intégré l’UMR EDB** à Toulouse dans laquelle j’ai continué mes recherches sur l’écologie de fourmis de Guyane. Puis, en 2010, j’ai demandé mon changement d’affectation en Guyane, à l’UMR Ecofog*** ce qui me permet d’être sur mon terrain de recherche.
L.C. : Quelle est votre thématique de recherche ?
J.O. : Ma thématique principale porte sur le fonctionnement et l’évolution des interactions plantes/ fourmis. A côté, je travaille sur 3 autres thématiques : i) La structuration des communautés de fourmis, notamment via le projet stratégique du CEBA « Diadema »**** ; ii) L’influence de l’anthropisation des écosystèmes sur les processus écosystémiques dans lesquels sont impliqués les fourmis dans le cadre d’une thèse financée par le CEBA réalisée par Alex Salas-Lopez et iii) La diversité et la biochimie des peptides des venins de fourmis dans le cadre d’un projet FEDER dirigé par Alain Dejean et d’une thèse réalisée par Axel Touchard.
L.C. : Dans quelle question scientifique le projet ProNut s’inscrit-il ?
J.O. : Le projet ProNut s’inscrit dans ma thématique de recherche principale sur les interactions plantes/fourmis. Ces associations sont essentiellement considérées comme des mutualismes de protection : la plante est protégée des insectes phytophages, des organismes pathogènes ou des espèces compétitrices par les fourmis. Mais il n’y a pas que des mécanismes de protection en jeu. Dans certains cas, la plante bénéficie d’apport alimentaire via les déchets des fourmis favorisant sa croissance. On parle alors de myrmécotrophie. Par ailleurs, des champignons peuvent jouer un rôle dans ce processus en favorisant la récupération et l’assimilation d’éléments minéraux par la plante en étant en contact cellulaire avec celle-ci. D’autres microorganismes comme les bactéries, les nématodes etc. seraient aussi potentiellement impliqués dans les transferts de nutriments fourmis/plantes. Plusieurs plantes, appelées « plantes à fourmis » ont ainsi développé des structures afin de loger une ou deux espèces de fourmis. Parmi les plantes à fourmis que l’on peut trouver en Guyane on retrouve par exemple le bois canon : Cecropia, ou encore l’espèce de plante Hirtella physophora. Elles abritent chacun quelques espèces de fourmis spécifiquement associées, respectivement dans des cavités du tronc ou au sein des deux poches foliaires. L’objectif du projet est donc de déterminer l’importance de la myrmécotrophie dans ces interactions en quantifiant la récupération des éléments minéraux en fonction des partenaires associés.
L.C. : En quoi la Guyane est-elle un site d’exception pour l’ancrage de votre projet ?
J.O. : La Guyane possède une très grande variété de plantes à fourmis permettant de développer ces approches comparatives. De plus, des travaux antérieurs ont été menés sur les fourmis en Guyane, permettant de ne pas partir de « 0 ». Par ailleurs, étant en France, cela facilite l’accès et le travail en comparaison avec d’autres régions du monde. Enfin le CEBA est situé en Guyane. Tout converge donc à ce que ce projet se déroule en Guyane.
L.C. : En quoi ce projet est-il innovant pour la recherche sur la biodiversité terrestre tropicale ?
J.O. : Ce projet est innovant dans son fonctionnement scientifique. On s’intéresse en effet à un mutualisme qui était principalement considéré comme basé sur la protection apportée par les fourmis et non l’aspect nutritif. On espère donc mettre à jour l’importance de ce processus dans le fonctionnement de ces interactions plantes/fourmis.
L.C. : Le projet implique t-il des personnes d’autres disciplines que la votre ?
J.O. : Les quatre principales personnes impliquées dans le projets : Céline Leroy (IRD/AMAP*****), Raphaël Boulay (IRBI******), Fréderic Petitclerc, assistant ingénieur (CNRS/Ecofog) et moi-même nous intéressons tous à l’écologie.
L.C. : Quelles seront les retombées de votre projet pour la société ?
J.O. : Il s’agit de recherche fondamentale et d’avancée scientifique, avec donc une production de connaissance pour la société.
L.C. : Comment percevez-vous la plus-value du CEBA ?
J.O. : Le CEBA est intéressant car il fédère la majorité des chercheurs qui mènent des recherches sur la biodiversité amazonienne en Guyane et il donne une assise à la recherche qui se fait en Guyane. Il donne une visibilité aux travaux de recherches de ces chercheurs et une labellisation. Enfin, il permet de financer des projets et des thèses.
*Alain Dejean : Professeur à l’Université Paul-Sabatier Toulouse III et chercheur associé au laboratoire EcoFoG, reconnu pour ses travaux sur les comportements sociaux des fourmis.
**UMR EDB : Laboratoire Evolution et Diversité Biologique
***UMR Ecofog : Écologie des forêts de Guyane
****Projet stratégique Diadema : cf. fiches descriptives des projets sur l’intranet du CEBA
*****UMR AMAP : BotAnique et bioinforMatique de l’Architecture des Plantes
******IRBI : Institut de recherche sur la Biologie de l’Insecte, CNRS /Université François-Rabelais de Tours