Mieux connaitre pour mieux préserver… Le projet ANOMALO

En 1975, Jean Lescure décrivait en Guyane Française l’espèce Anomalogossus degranvillei. En 2017, même pas 50 ans après sa description, les listes rouges régionales de l’UICN (Union Internationale pour la Protection de la Nature) déclarait l’amphibien comme étant en danger d’extinction (EN) en raison du faible nombre de populations et de son aire de distribution circonscrite à la Guyane.

(c) Maël Dewinter

La même année, un article mettait en évidence le fait que plusieurs espèces étaient en réalité regroupées sous l’Anomalogossus degranvillei. Ce nouvel éclairage a formalisé la description de deux nouvelles espèces : A. blanci et A. dewynteri.

Cette nouvelle délimitation implique une situation encore plus critique concernant la conservation d’A.degranvillei et A.dewynteri dont le statut devient en danger critique d’extinction (CR).

Au cours des récentes décennies, le déclin des amphibiens à l’échelle mondiale est devenu un sujet majeur d’inquiétude (1). On considère aujourd’hui que plus du tiers des espèces d’amphibiens décrites sont en danger d’extinction du fait de la destruction de leurs habitats, de maladies (2), et de changements climatiques (3). Les raisons de ces déclins sont encore inconnues bien que la présence en Guyane du champignon pathogène Batrachochytrium dendrobatidis (4) pourrait être une piste. ce champignon est responsable de la maladie chytridiomycose et il est impliqué dans le déclin voir la disparition de nombreuses espèces à travers le monde.

Les trois espèces d’Anomalogossus, endémiques de Guyane, ne semblent pas faire exception à la tendance mondiale. Depuis les dix dernières années, les scientifiques ont pu observer un rapide déclin de leur nombre. Ce constat a encouragé les DROM (Département et Région d’Outre-Mer) a identifier ces amphibiens comme « prioritaires pour l’action publique » en Guyane.

Le Parc Amazonien de Guyane qui regroupe les seules populations connues d’A.degranvillei (2 localités) et d’A. dewynteri (1 localité) ainsi que la réserve naturelle Trésor qui abrite une des dernières populations d’A.blanci cherchent depuis à mettre en place des actions de connaissances et de conservation sur ces espèces et en particulier à initier la mise en place d’un plan national d’action (PNA) pour leur préservation.

En 2020, le CEBA a financé le projet annuel ANOMALOAnalyses préliminaires à l’élaboration d’un Plan National d’Action pour les Anomaloglossus du groupe degranvillei. Ce projet propose:

  • – De compléter les connaissances actuelles sur ces espèces.
  • – D’établir un état des lieux des connaissances et des besoins en terme de conservation pour élaborer un Plan National d’Action en construisant des outils de communication et d’éducation à l’environnement sur ces espèces.
  • – Construire des outils de communication et d’éducation à l’environnement sur ces espèces.

Pensé en co-construction entre l’USR LEEISA, le Parc Amazonien de Guyane et l’association Trésor, les scientifiques et acteurs du projet ANOMALO se sont rendu à Maripasoula, une commune qui abrite l’une des espèces étudiées par le projet. Cette rencontre avait deux objectifs, initier certains agents du PAG à l’herpétologie et former et faire participer une classe de collège à un inventaire herpétologique.

Une animation a ainsi été réalisée sur le site de Gobaya Soula afin de sensibiliser les élèves d’une classe de 6ème de Maripasoula à la diversité des amphibiens et reptiles de Guyane. Encadrés par leur professeur de SVT Mme Véronique Petricevic, un groupe d’élèves s’est rendu à la rencontre de trois herpétologues sur le site de Gobaya Soula. Après avoir utilisé des clefs d’identification pour déterminer les espèces les enfants ont pu découvrir une partie de la faune herpétologique qui les entoure.

Les herpétologues ont également profité de ce moment d’échange avec le PAG pour former plusieurs agents à la reconnaissance des amphibiens et reptiles.

(1) S. N. Stuart, J. S. Chanson, N. A. Cox, B. E. Young, A. S. L. Rodrigues, D. L. Fischman, R. W. Waller, Status and Trends of Amphibian Declines and Extinctions Worldwide. Science. 306, 1783–1786 (2004).
(2) A. J. Pounds, M. R. Bustamante, L. A. Coloma, J. A. Consuegra, M. P. L. Fogden, P. N. Foster, E. La Marca, K. L. Masters, A. Merino-Viteri, R. Puschendorf, S. R. Ron, G. A. Sanchez-Azofeifa, C. J. Still, B. E. Young, Widespread amphibian extinctions from epidemic disease driven by global warming. Nature. 439, 161–167 (2006).
(3) W. B. Foden, S. H. Butchart, S. N. Stuart, J.-C. Vié, H. R. Akçakaya, A. Angulo, L. M. DeVantier, A. Gutsche, E. Turak, L. Cao, Identifying the World’s Most Climate Change Vulnerable Species: A Systematic Trait-Based Assessment of all Birds, Amphibians and Corals. PLOS ONE. 8, e65427 (2013).
(4) E. A. Courtois, P. Gaucher, J. Chave, D. S. Schmeller, Widespread Occurrence of Bd in French Guiana, South America (2015).