Quand les politiques environnementales attisent les tensions interculturelles en Guyane française

Les politiques environnementales ont des implications sur les territoires et sur les sociétés allant bien au-delà de leurs objectifs affichés de protection de l’environnement. Alors que la conservation de la nature a longtemps été pensée comme celle de grands espaces non peuplés, le lien entre diversité biologique et diversité culturelle est affirmé de plus en plus fortement au cours des années 1990, et avec lui l’idée que conserver les spécificités culturelles des populations locales favorise la conservation de la biodiversité. Ce sont ces deux aspects que les chercheurs Théo Jacob, Marianne Palisse et Catherine Aubertin ont proposé d’étudier en Guyane française dans la publication « Quand les politiques environnementales attisent les tensions interculturelles en Guyane française ».

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Le Parc amazonien de Guyane et les communautés locales selon la Charte de 2012
Trois principaux groupes culturels amérindiens sont implantés sur le territoire du parc : Wayana, Emerillon (Teko) et Wayãmpi (trois autres groupes sont présents sur le littoral de Guyane : Pahikwene, Arawak-lokono et Kali’na). Deux groupes businenge sont également présents : principalement Boni (Aluku), mais aussi Djuka (deux autres groupes sont présents en Guyane : Saamaka et Paamaka). Enfin, la communauté créole se concentre dans la petite commune de Saül

Référence

Quand les politiques environnementales attisent les tensions interculturelles en Guyane française,Théo Jacob, Marianne Palisse et Catherine Aubertin, Cahier des Amériques Latines p. 113-132, https://doi.org/10.4000/cal.10789

Du fait de la situation périphérique et stratégique de ce territoire, la souveraineté hexagonale est souvent questionnée en Guyane. Ancienne terre de bagne, la Guyane est choisie dans les années 60 comme fer de lance du projet spatial européen. Cet ancien « enfer vert » est alors réévalué faisant de la Guyane le plus grand massif de forêt tropicale « d’Europe » offrant des richesses naturelles forestières considérées comme un « bien commun » de l’humanité et une opportunité unique pour un développement durable et maîtrisé.

Ces transformations se combinent avec les premières lois de décentralisation qui visent à responsabiliser les acteurs locaux dans la gestion de leur territoire. En Guyane, ces lois sont concomitantes d’un mouvement de revalorisation des spécificités culturelles des populations amérindiennes et businenge et d’une migrations spontanées, principalement venues du Brésil, de Haïti et du Suriname, mais aussi du Guyana, de nombreux pays latino-américains et d’Asie. Ces différents phénomènes ont des répercussions profondes sur la manière dont les Créoles, qui détiennent le pouvoir politique local, se positionnent dans la société guyanaise.

Dans ce contexte, les politiques environnementales, conçues à l’international comme émancipatrices, exacerbent les tensions interculturelles. En mettant en avant la promotion des différences, elles proposent une conception de la citoyenneté construite sur un mode communautaire. En ce sens, les programmes environnementaux participent des évolutions contemporaines de la démocratie : alors que l’égalité était jusqu’alors au centre des aspirations, les luttes sont désormais tournées vers l’affirmation du pluralisme identitaire.

Cet article montre à partir de trois entrées comment les politiques environnementales menées en Guyane française, en tentant de composer avec la diversité culturelle locale, tendent à ethniciser les rapports sociaux:

1/ Le Parc amazonien de Guyane, qui apparaît comme une réaffirmation de la présence de l’État dans le sud de la Guyane, expérimente des modes de gouvernance qui favorisent la concurrence interethnique.

2/ La mise en place des accords de partage des avantages liés aux ressources biologiques prévus dans le protocole de Nagoya a introduit un différentiel entre certaines catégories de la population, qui doivent être consultées, et d’autres, qui ne le sont pas.

3/ Enfin, l’angle mort de ces politiques est constitué par les populations issues de l’immigration exclues des dispositifs d’accès aux ressources, et non considérées comme porteuses de connaissances sur la biodiversité.

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