« La crique de la dernière chance… »

Habitat Mont Atach iBakka, Elodie Courtois

C’est une petite grenouille, pas particulièrement jolie, mais qui ne méritait pas de disparaitre… Anomaloglossus degranvillei n’est connue dans le monde que de seulement 2 localités et 3 observations, sur le territoire du Parc amazonien de Guyane. Elle a été vue une fois en 2005 sur le mont Galbao dans les environs de Saül. Les deux autres observations de cette espèce ont été réalisées sur le mont Atachi bakka proche de Maripasoula dans les années 1970 par son collecteur, le célèbre botaniste Jean-Jacques de Granville, à qui elle a été dédiée lors de sa description et en 2009.

Depuis treize ans maintenant, Anomaloglossus degranvillei ne donne plus aucun signe de vie… Plusieurs expéditions ont été montées dans les cinq dernières années pour revisiter les points de collecte et les habitats favorables dans les environs sans qu’aucune observation n’ait pu être effectuée. La dernière mission en date a été réalisée du 20 au 26 janvier 2022 dans le cadre d’un projet annuel du labex CEBA en collaboration avec le LEEISA, le Parc amazonien de Guyane et l’association Trésor.

Piste de Quad Mont Atachi Bakka, Elodie Courtois

Bravant le froid, la pluie, et une longue marche d’approche avec de lourds sacs à dos, les 5 membres de la mission ont rejoint le point exact de présence de l’espèce en 2009 qui n’avait jamais été revisité depuis. Ils ont atteint plein d’espoir la belle crique rocheuse descendant du mont Atachi bakka après avoir découvert avec effarement les nombreuses atteintes à l’environnement (pistes de quad, criques dégradées) laissées par l’orpaillage clandestin dans la zone.

Cinq jours plus tard, c’est le cœur lourd qu’ils ont repris leur marche dans l’autre sens. Malgré de nombreuses heures de prospection, aucun indice de la présence d’Anomaloglossus degranvillei n’a pu être détecté sur la zone. Les ichtyologues de Guyane wildfish qui accompagnaient la mission ont été plus heureux puisqu’ils ont pu détecter, observer et photographier le rare et endémique poisson Harttiella parva, décrit en 2012 et connue de la seule localité du Mont Atachi Bakka.

Les espèces de ces 2 genres (Anomaloglossus et Hartiella) feront prochainement l’objet d’un plan national d’actions (PNA) qui est actuellement en cours de rédaction.

Harttiella parva, Benoit Villette

Ce récit a été rédigé par Elodie Courtois, scientifique au LEEISA et porteuse du projet annuel 2020 ANOMALO.

ANOMALO : Analyses préliminaires à l’élaboration d’un Plan National d’Action pour les Anomaloglossus du groupe degranvillei

L’espèce Anomalogossus degranvillei, décrite en 1975 par Jean Lescure en Guyane Française, a été évaluée en 2017 comme étant en danger d’extinction (EN) sur les listes rouges régionales de l’UICN (Union Internationale pour la Protection de la Nature) en raison du faible nombre de populations et de son aire de distribution circonscrite à la Guyane. Quelque mois plus tard, un article a mis en évidence le fait que plusieurs espèces étaient regroupées sous ce nom et a formalisé la description de deux nouvelles espèces : A. blanciet A. dewynteri. Cette nouvelle délimitation implique une situation encore plus critique concernant laconservation d’A. degranvilleiet A. dewynteri dont le statut devient CR (en danger critique d’extinction). Le Parc Amazonien de Guyane et la réserve naturelle Trésor cherchent depuis à mettre en place des actions de connaissances et de conservation sur ces espèces et en particulier à initier la mise en place un plan national d’action (PNA) pour leur préservation. Le projet vise à appuyer ces espaces naturels dans leur démarche en les aidant à compléter les connaissances actuelles sur ces espèces en lien avec leur conservation et en établissant un état des lieux des connaissances et des besoins en terme de conservation dans l’optique de l’élaboration d’un PNA en construisant ensemble des outils de communication et d’éducation à l’environnement sur ces espèces.