Nadine Amusant, rencontre avec la nouvelle déléguée régionale à la recherche et à la technologie en Guyane

Nadine Amusant

Nommée le 1er décembre 2021, Nadine Amusant, chercheuse CIRAD est la nouvelle déléguée régionale à la recherche et à la technologie (D.R.R.T.) en Guyane. Elle succède à Philippe Poggi, qui avait déjà rejoint la Guadeloupe en juin dernier afin d’occuper le poste de délégué régional académique à la recherche et à l’innovation. A la lecture de ses nouvelles fonctions, et pendant la Journée Internationale des Femmes et des Filles en Science, Nadine Amusant, membre de la communauté CEBA, est revenue sur son parcours de chercheuse et la vision de son nouveau rôle à la région Guyane.

Après une scolarité en Guyane et l’obtention de son baccalauréat, Nadine Amusant a poursuivi ses études à l’Université de Montpellier où elle obtient une maitrise de chimie. Souhaitant revenir en Guyane et travailler dans le domaine de la forêt et du bois l’étudiante d’alors, opte pour un DESS en Sciences et Techniques du Bois. S’ensuit 5 ans au sein d’un centre Technique du bois dans le Nord de la France et enfin, la préparation de son doctorat en sciences du Bois.

Désormais, la chercheuse en sciences du bois travaille sur des thématiques de recherche sur l’étude des mécanismes de défense chimique des arbres en relation avec les propriétés du bois et la valorisation de la biodiversité du bois à la molécule

Pourquoi les sciences du bois ?

Pour cette guyanaise, l’orientation choisie pour ses recherche été guidée par l’évidence ! Quand on lui demande pourquoi la recherche sur le bois, Nadine Amusant nous explique : « La première raison est que j’ai toujours eu le goût des sciences. Enfin, mon choix était aussi guidé par mon désir de revenir en Guyane. C’était un sentiment partagé par de nombreux jeunes de mon époque. Alors quand il a fallu choisir, c’était une évidence : l’omniprésence de la forêt sur le territoire et la curiosité, celle de mieux comprendre cet environnement, m’ont convaincue de m’orienter vers ce domaine. »

Ces années loin des proches force l’intégration d’une solitude et d’une autonomie nécessitant un temps d’adaptation. Nadine Amusant confie que sans pour autant rencontrer de grandes difficultés, il a fallu pendant ces années d’étude « garder le cap« . Pour la chercheuse, cela est passé par la valeur du travail… Surtout quand la patience est mise à rude épreuve et que les opportunités professionnelles mettent du temps à se mettre en place !

Enfin, mon choix était aussi guidé par mon désir de revenir en Guyane.
C’était un sentiment partagé par de nombreux jeunes de mon époque.

Il était impensable de laisser passer la Journée Internationale des Femmes et Filles en science sans interroger la nouvelle DRRT sur ces sujets. Le CEBA a donc posé quelques questions à Nadine Amusant sur des thématiques liées à la science et la recherche en Guyane.

Quels conseils devrait entendre une personne qui souhaite s’inscrire en thèse et plus particulièrement une étudiante, ou une jeune élève ?

Le premier conseil que je donnerais, est de se renseigner sur ce parcours, d’échanger avec des doctorants, des chercheurs afin d’avoir pleinement conscience, qu’en faisant ce choix on s’engage dans une longue aventure, ce sont de longues études. Il faudra beaucoup travailler, car on a rien sans rien. Mais je lui dirai surtout que c’est une belle aventure. On apprend beaucoup, on se remet en question, on apporte sa pièce à l’édifice en apportant de nouvelles connaissances, on partage cette connaissance avec des jeunes dans les écoles, avec la société, avec sa communauté scientifique. On est très ouvert sur le monde, pour répondre à ses besoins, on voyage et on apprend encore et encore…

Il est important de susciter très tôt des vocations chez les jeunes filles

Le métier de chercheur est un métier passionnant, plein de surprises, car c’est un peu comme recherche le bout d’une ficelle de pelote de laine.

C’est avant tout un métier où l’on travaille en équipe, où l’on va favoriser la complémentarité pour se donner toutes les chances d’atteindre nos objectifs, celles de faire avancer le front de la connaissance. Il y a des points communs avec celui d’un détective, on part de faits, on fait des hypothèses, on les vérifie et on valide ou non. Chaque avancée amène de nouvelles questions de recherche. Mais ce que j’aime aussi dans ce métier c’est que nos travaux peuvent contribuer au développement des territoires, lorsque l’on travaille sur des sujets davantage axés sur la valorisation des résultats de nos travaux.

Quelles sont les responsabilités et les missions d’une DRRT ?

Je représente le Ministère de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation sur le territoire. Je dois conduire des actions qui visent à la promotion de la recherche et sa vulgarisation. C’est une vraie question sur un territoire comme la Guyane où l’accès à l’information n’est pas aisée pour tous, particulièrement dans les communes éloignées. Je dois aussi avec d’autres partenaires favoriser le transfert de l’innovation, c’est à dire que les entreprises s’approprient les acquis de la recherche afin de contribuer à leur développement économique à plus large échelle, celle du territoire.

Je participe avec des partenaires comme la collectivité territoriale à la définition de la stratégie en matière de recherche et d’innovation, l’idée étant que les actions proposées conduisent au développement du territoire dans des domaines stratégiques comme celui de la biodiversité, la santé tropicale, la valorisation de l’environnement etc.

La Guyane est un territoire en pleine mutation avec une forte démographie. Elle devra faire face à de nombreux enjeux, s’inscrire dans la transition écologique, favoriser une agriculture durable, utiliser l’énergie décarbonée, protéger la santé humaine et l’environnement. Il y a aussi des enjeux de développement de filières comme celles de la valorisation des bioressources, des applications spatiales, les énergies renouvelables et l’innovation sociale. La recherche dans ce cadre à toute sa place, l’innovation étant un levier de développement il y a lieu de promouvoir l’excellence des travaux conduits sur ce territoire et de créer plus de ponts avec les acteurs socio-économiques.

Avez-vous prévu avec la préfecture des actions typiquement orientées pour encourager l’engagement des jeunes femmes vers le secteur de la science ?

La  promotion des femmes dans le domaine des sciences est une question qui me touche. Il est important de susciter très tôt des vocations chez les jeunes filles, les encourager à entreprendre des études, les sensibiliser aux activités entreprenariat et d’innovation. C’est un vaste programme et les actions doivent être envisagées très tôt dans la scolarité des jeunes filles, et surtout à travers des approches multi-partenariales (associatif, État, Rectorat, Enseignement supérieur, monde associatif…). L’enjeu sur un territoire comme la Guyane est une bonne prise en compte de sa composante multiculturelle et de proposer des approches pour un partage adapté de l’information.

Un mot de la fin ?

Je souhaite dire à toutes celles et ceux qui doutent, qui ne sentent pas à la hauteur, qui pensent que la recherche est un monde à part, de ne pas se se censurer. Pour moi le moteur de la vie, c’est d’y croire et donc d’avancer !

Je souhaite mettre en avant mes collègues de terrain du CIRAD, avec qui j’ai passer beaucoup de temps en forêt et qui m’ont beaucoup appris. Ils jouent un rôle très importants dans nos travaux du fait de leur excellente connaissance de la forêt. Je souhaite leur rendre hommage, je pense à Wanika, Martinus,  Oenophé, Richard, Petrus, Koese, Pascal, Yansen…