Portrait d’une scientifique : Journée Internationale des Femmes et des Filles de science

Selon des informations de l’Organisation des Nations Unis, les carrières des chercheuses ont tendance à être plus courtes et moins rémunérées que celles de leurs collègues masculins. Leurs travaux sont sous-représentés dans les revues de haut niveau et elles sont souvent ignorées pour des promotions. De plus, les bourses de recherche allouées aux femmes sont moins importantes et bien qu’elles représentent 33,3 % de la population de chercheurs, les femmes n’occupent que 12 % des sièges dans les académies nationales des sciences. Source.

Afin d’assurer aux chercheuses un accès plein et égal à une science inclusive mais aussi de permettre la mise en lumière des projets scientifiques portés par des chercheuses et d’encourager les vocations de demain, l’ONU a inscrit le 11 février comme la Journée Internationale des Femmes et des Filles de science. A cette occasion, nous donnons la parole à étudiante actuellement en thèse au CEBA pour comprendre son parcours, ses motivations à intégrer le secteur de la recherche et partager ses conseils à la future génération.

Camille Girard Tercieux : portrait d’une doctorante bientôt diplômée

Camille Girard Tercieux a perçu une bourse de thèse en 2019. Ses recherches portent sur le rôle de la variabilité intra-spécifique dans la coexistence des espèces en forêt tropicale, dirigées par Raphaël Pélissier au laboratoire AMAP. Alors que la scientifique s’apprête bientôt à conclure son travail doctoral, il lui a semblé important de saisir l’opportunité donnée de s’exprimer à l’occasion de cette Journée Internationale dédiée aux femmes et filles en science. Portrait en questions orientées.

Avant de t’inscrire en thèse, quel a été ton parcours académique ?

Camille Girard Tercieux (c)LabEx CEBA

Après un bac scientifique spécialité SVT, j’ai fait une classe préparatoire Biologie, Chimie, Physique et Sciences de la Terre, et je suis allée en école d’agronomie à Toulouse. Là, je me suis spécialisée en Qualité de l’Environnement et Gestion des Ressources, avec en parallèle à l’Université un master 2 Écosystèmes et Anthropisation, ce qui m’a permis de donner une coloration “recherche” à mon CV. J’ai effectué deux stages en recherche, l’un sur l’adaptation d’insectes à la température, avec une approche expérimentale, l’autre sur mon sujet de thèse, le rôle de la variabilité intraspécifique dans la coexistence des espèces, avec une approche de modélisation.

Pourquoi avoir décidé de continuer sur une thèse ?

La thèse m’a été proposée à la suite de mon stage de fin d’études, j’ai passé le concours et obtenu la bourse. Je m’entendais bien avec mes encadrants et la question était stimulante, avec une vision du sujet qui avait beaucoup évolué en fin de stage et méritait d’être affinée. J’ai vu cela comme une opportunité professionnelle, qui me permettrait d’obtenir un diplôme ouvrant les portes de l’enseignement supérieur-recherche, sans m’enfermer non plus, le marché du travail permettant de plus en plus aux docteurs de prétendre à des postes en dehors du milieu académique. J’avais déjà commencé à me spécialiser en recherche, et j’ai décidé de me lancer dans la thèse pour mener l’aventure jusqu’au bout !

Pendant ces trois ans de contrat de thèse, à quoi ne t’attendais-tu pas ?

En stage, je n’avais pas mesuré l’impact qu’aurait la pression du milieu de la recherche sur mon travail. En effet, même quand les encadrants sont bienveillants, on ressent un sorte de compétition, liée à l’avenir professionnel incertain, et on se sent difficilement à sa place tellement les exigences du doctorat sont fortes. Je constate que ce “syndrome de l’imposteur” touche encore plus les filles, et les freine dans leur progression. Ce qui m’a agréablement surprise en revanche, c’est la solidarité forte qui se créée dans la communauté des doctorants et des post-docs d’un laboratoire, et la diversité des domaines abordés, en tout cas dans une laboratoire aussi diversifié que le mien.

Alors que tu termines bientôt ton contrat, quels sont tes plans pour « l’après » ?

Ayant eu l’opportunité d’expérimenter avec émerveillement un peu d’enseignement au cours de ma thèse, je souhaiterais poursuivre cette expérience, pas nécessairement dans l’enseignement supérieur. Je pense notamment à la matière “biologie-écologie” des lycées agricoles, qui a l’air passionnante et valoriserait plutôt bien mon parcours. Mais je ne ferme pas la porte à d’autres voies professionnelles plus en lien avec mes études d’ingénieure agronome. En somme, je reste assez ouverte aux opportunités professionnelles qui se présenteront à moi !

Quels conseils donnerais-tu à une personne qui souhaite s’inscrire en thèse et plus particulièrement à une étudiante ou une écolière ?

Il faut d’abord en fin de lycée savoir quel grand domaine t’intéresse, afin de choisir la bonne filière d’études supérieures. Si certaines filières préparent mieux à la recherche que d’autres, rien n’est jamais fermé ! Ensuite, si tu te sens la fibre scientifique, essaye d’engranger le maximum d’expériences en stage, pour avoir un beau CV et accumuler les compétences, mais aussi pour avoir une bonne connaissance du milieu de la recherche et des différents sous-domaines de ta discipline (qui parfois peuvent être des univers très différents !). Cela te permettra ensuite de trouver un stage de fin d’études adapté à tes envies, avec peut-être une opportunité de thèse à la clé. C’est autant ton réseau que ton dossier et tes capacité orales qui te permettront de décrocher une bourse. Je te conseille enfin de privilégier l’encadrement par rapport au sujet : une thèse est une collaboration étroite entre un doctorant et ses encadrants, et l’entente dans cette petite équipe est primordiale pour que le projet se déroule bien ! Te renseigner auprès des anciens étudiants avant d’accepter une thèse te permettra d’avoir une idée de l’ambiance qui t’attend. Si c’est le sujet de tes rêves, c’est encore mieux… Mais je vois ça comme du bonus !

Pour finir, est- ce que tu peux raconter une anecdote de terrain ?

Avec une autre doctorante, nous avions posé nos affaires par terre dans la forêt, en Guyane, attendant les échantillons du reste de l’équipe pour les conditionner et les classer. Un scorpion est passé sur le sac de ma collègue… nous ne savions pas s’il était rentré dedans !! Nous avons donc avec mille précautions, vidé et secoué son sac, et nous avons eu peur que le scorpion attende, furieux, dans le sac… mais il avait probablement juste fait un petit tour !